Monsieur Robin VIRGILE, Juge aux Affaires Familiales, Tribunal Judiciaire de Paris
Le métier de JAF en quelques mots :
La fonction principale d’un JAF, selon moi, est de tenter avant tout de concilier les parties, ainsi que le prévoit le code de procédure civile, pour mieux apaiser les conflits familiaux. L’objectif, en audience, pour moi, est d’amener les personnes à une co-construction. Je dis souvent aux parents : « Je comprends vos positions respectives, mais quel est l’intérêt de l’enfant ? »
Si les modalités retenues dans le jugement émanent des personnes elles-mêmes, parce qu’elles auront su s’accorder, ce sera toujours préférable à une décision du Juge aux Affaires Familiales tranchant ce désaccord. C’est toujours mieux quand les parents sont acteurs de leur décision, et il est possible avec eux de faire du « cousu main », dans l’intérêt des enfants.
Par exemple, lorsque les deux parents sollicitent la résidence principale de l’enfant, je les amène à se décentrer, en leur faisant envisager la résidence principale chez l’autre, et en leur proposant de déterminer eux même le rythme des droits de visite et d’hébergement qu’ils souhaiteraient voir établi, afin que le maintien des liens familiaux soit respecté et les besoins des enfants respectés.
Mes audiences sont peut-être plus longues qu’elles ne pourraient l’être, mais les ordonnances ou jugements seront plus faciles à accepter pour les personnes qui auront trouvé un terrain d’entente devant le juge.
Ce n’est pas toujours possible de concilier les parents, et bien sûr le JAF doit parfois trancher entre des positions très opposées des parties, en situation de violences notamment.Ma fonction tend au maximum vers la conciliation quand les conditions le permettent, non par peur de trancher mais parce que le résultat est tellement préférable pour les enfants quand les parents peuvent s’accorder.
Les situations les plus souvent rencontrées en audience :
Divorces, séparations, changements des modalités d’exercice de l’autorité parentale, ordonnances de protection.
Le partenariat professionnel :
Associations, avocats, enquêteurs sociaux, experts psy, médiateurs familiaux et bien sûr Juge des enfants et Procureur de la République.
Et la médiation familiale ?
Je propose la médiation aux personnes en audience, lorsqu’aucune violence n’a été alléguée, bien sûr, puisque ce serait contraire au Code Civil :
- Lorsqu’il y a des désaccords sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale et que même le point le plus anecdotique de la vie de l’enfant est un enjeu et un prétexte à être en désaccord
- En audience, lorsque je perçois que les deux personnes réussissent à ne pas s’accorder sur tous les sujets abordés, je propose une mesure de médiation familiale.
Je suis assez partisan des médiations post-sentencielles (après la décision du Juge) car si je tranche le désaccord par ma décision, le manque de communication parentale qui persisterait risque d’être compliqué pour le(s) enfant(s)
En fait, la décision de justice vide l’objet du litige mais il risque d’y avoir d’autres sujets de litige.
Et lorsqu’entre deux parents tout devient prétexte à être en désaccord, le jugement ne traite que les symptômes, pas les causes du problème. Le jugement tranche un désaccord, la médiation familiale apprend à ne plus en avoir.Je propose également souvent la médiation dans le cas de rupture ou de risque de rupture de relations entre un parent et son enfant adolescent, non lié à la violence mais souvent à la séparation parentale. Je trouve que c’est un bel outil, quand les deux parents semblent collaborer mais les droits de visite et d’hébergement ne pas respectés ; quand le parent qui a la résidence principale ne semble pas s’opposer au maintien de la relation avec l’autre parent, il est important d’inclure l’adolescent dans le processus de médiation, après que les deux parents se soient rencontrés au cours d’une première séance de médiation
Pourquoi la médiation familiale :
Je pense que la médiation familiale peut permettre aux parents d’apprendre à communiquer au sujet des enfants, à leur (ré)apprendre à être autonome dans l’exercice conjoint de l’autorité parentale, à gérer individuellement leur différend sans nécessairement le porter devant le juge. Surtout, que je crois que la médiation familiale est un prolongement naturel de ce que je tente d’apporter aux personnes au cours de l’audience.
Publié le : 17 octobre 2022
Un juge aux affaires familiales nous parle de son métier
Monsieur Robin VIRGILE, Juge aux Affaires Familiales, Tribunal Judiciaire de Paris
Le métier de JAF en quelques mots :
La fonction principale d’un JAF, selon moi, est de tenter avant tout de concilier les parties, ainsi que le prévoit le code de procédure civile, pour mieux apaiser les conflits familiaux. L’objectif, en audience, pour moi, est d’amener les personnes à une co-construction. Je dis souvent aux parents : « Je comprends vos positions respectives, mais quel est l’intérêt de l’enfant ? »
Si les modalités retenues dans le jugement émanent des personnes elles-mêmes, parce qu’elles auront su s’accorder, ce sera toujours préférable à une décision du Juge aux Affaires Familiales tranchant ce désaccord. C’est toujours mieux quand les parents sont acteurs de leur décision, et il est possible avec eux de faire du « cousu main », dans l’intérêt des enfants.
Par exemple, lorsque les deux parents sollicitent la résidence principale de l’enfant, je les amène à se décentrer, en leur faisant envisager la résidence principale chez l’autre, et en leur proposant de déterminer eux même le rythme des droits de visite et d’hébergement qu’ils souhaiteraient voir établi, afin que le maintien des liens familiaux soit respecté et les besoins des enfants respectés.
Mes audiences sont peut-être plus longues qu’elles ne pourraient l’être, mais les ordonnances ou jugements seront plus faciles à accepter pour les personnes qui auront trouvé un terrain d’entente devant le juge.
Ce n’est pas toujours possible de concilier les parents, et bien sûr le JAF doit parfois trancher entre des positions très opposées des parties, en situation de violences notamment.Ma fonction tend au maximum vers la conciliation quand les conditions le permettent, non par peur de trancher mais parce que le résultat est tellement préférable pour les enfants quand les parents peuvent s’accorder.
Les situations les plus souvent rencontrées en audience :
Divorces, séparations, changements des modalités d’exercice de l’autorité parentale, ordonnances de protection.
Le partenariat professionnel :
Associations, avocats, enquêteurs sociaux, experts psy, médiateurs familiaux et bien sûr Juge des enfants et Procureur de la République.
Et la médiation familiale ?
Je propose la médiation aux personnes en audience, lorsqu’aucune violence n’a été alléguée, bien sûr, puisque ce serait contraire au Code Civil :
Je suis assez partisan des médiations post-sentencielles (après la décision du Juge) car si je tranche le désaccord par ma décision, le manque de communication parentale qui persisterait risque d’être compliqué pour le(s) enfant(s)
En fait, la décision de justice vide l’objet du litige mais il risque d’y avoir d’autres sujets de litige.
Et lorsqu’entre deux parents tout devient prétexte à être en désaccord, le jugement ne traite que les symptômes, pas les causes du problème. Le jugement tranche un désaccord, la médiation familiale apprend à ne plus en avoir.Je propose également souvent la médiation dans le cas de rupture ou de risque de rupture de relations entre un parent et son enfant adolescent, non lié à la violence mais souvent à la séparation parentale. Je trouve que c’est un bel outil, quand les deux parents semblent collaborer mais les droits de visite et d’hébergement ne pas respectés ; quand le parent qui a la résidence principale ne semble pas s’opposer au maintien de la relation avec l’autre parent, il est important d’inclure l’adolescent dans le processus de médiation, après que les deux parents se soient rencontrés au cours d’une première séance de médiation
Pourquoi la médiation familiale :
Je pense que la médiation familiale peut permettre aux parents d’apprendre à communiquer au sujet des enfants, à leur (ré)apprendre à être autonome dans l’exercice conjoint de l’autorité parentale, à gérer individuellement leur différend sans nécessairement le porter devant le juge. Surtout, que je crois que la médiation familiale est un prolongement naturel de ce que je tente d’apporter aux personnes au cours de l’audience.
Catégorie : Interviews